7 octobre 2001 : le décès de Mongo Beti
By Kibili Demba Cissokho (Sénégal)
Alexandre Biyidi Awala est le nom qui m’a été donné à la naissance en 1932. Je suis entré en littérature en 1953, « sans haine et sans amour », puis, sous le pseudonyme Eza Boto, j’ai plongé dans la « ville cruelle », sous ce même pseudonyme, pour parler des symptômes d’une colonisation dont l’analyse et la dénonciation du caractère féroce et violent marquent de manière indélébile toute ma trajectoire littéraire et intellectuelle. De la métaphore du clivage entre Tanga Nord et Tanga Sud, véritable opposition sociologique entre deux mondes, je prolonge mon analyse avec « Le pauvre Christ de Bomba », dans lequel je prends prétexte des mésaventures d’un révérend pour évoquer et poser le problème des difficiles relations entre missionnaires et populations autochtones.
Lorsque l’on a pu penser que ma « Mission (était) terminée », je suis revenu avec la chronique des Essazam sur ‘’Le rois miraculé’’ annonçant l’essai « Main basse sur le Cameroun » dans lequel je tente une l’« autopsie d’une décolonisation ». Je me suis ensuite adressé aux « Peuples noirs, peuples africains », avant d’écrire une « Lettre ouverte aux Camerounais », laquelle parlait de la « La deuxième mort de Ruben Um Nyobé ».
Le « Dictionnaire de la négritude » que j’ai édité avec mon épouse est arrivé quatre ans avant « La France contre l’Afrique : retour au Cameroun », « L’Histoire du fou ». Le tout en ayant à l’esprit que « Trop de soleil tue l’amour ». Je suis passé dans le Royaume des ombres le 7 octobre 2001, après vous avoir laissé ma modeste contribution à l’éveil des consciences de nos peuples. Des livres, des prises de position clairement assumées, qui, je l’espère, vous parlent encore aujourd’hui.
Mongo Beti par Kibili Demba Cissokho
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Dans le texte…
« Ce qui est en train de s’effondrer en Afrique, c’est un château de cartes, élevé sur la base d’une philosophie imbécile qui a étouffé notre renaissance. L’Afrique y survivra, comme elle a survécu à d’autres tragédies. Osons dire plus : toutes les chances du continent demeurent intactes, comme on s’en apercevra bientôt quand les dictateurs psychopathes, si longtemps choyés par l’étranger, auront disparu, ce qui ne saurait plus tarder. Non seulement l’Afrique peut se développer, mais elle veut se développer, elle va se développer. Elle devra seulement franchir préalablement trois obstacles, certes himalayens, mais nullement insurmontables : la marginalisation du village, refuge de 75 % au moins de ses populations ; la dépendance à l’égard de l’étranger, connue et entretenue en France sous prétexte de ‘coopération franco-africaine’ ; un jacobinisme d’importation qui, en Afrique francophone surtout, fait fi de la diversité de ses cultures régionales.
Obstacles himalayens, disions-nous, mais que la nouvelle conjoncture internationale a rendus extrêmement friables. Et le moins qu’on puisse dire des drames dont l’actualité retentit, c’est qu’ils témoignent, paradoxalement, que les choses sont en bonne voie. »
Mongo Beti, « La France contre l’Afrique – Retour au Cameroun » (La Découverte, 2006)
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Kibili Demba Cissokho
Dakar, le 7 octobre 2018